ASPE et ALZHEIMER

ASPE  et  ALZHEIMER

Poèmes


La parole est un pont, la mémoire est un pont

La parole est un pont

Qui permet aux êtres humains de communiquer

La mémoire est un pont

Entre le présent et le passé.

La rivière de la vie

Grossie par les orages du temps,

Détruit peu à peu les ponts

De la mémoire et de la communication.

Chaque jour, il faut les reconstruire.

Chaque pierre est un mot

Chaque brique, un souvenir,

Que faire lorsqu'on ne trouve plus

Les pierres et les briques?

Ce n'est qu'avec l'aide des autres,

Qu'on peut essayer de les récupérer une à une,

Reconstruire encore et encore

Et cela,

Envers et contre toutes les intempéries.

Claude Couturier

Une malade Alzheimer/juin 2003

 

 


08/05/2008
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A toi L'Accompagnant

A TOI L'ACCOMPAGNANT

 

Muré dans mon silence

Point de confidence

Ma raison s'égare

J'ai perdu mon image

Si parfois je te décourage

Te fatigue, te désempare,

Je te demande de l'indulgence

De la patience et une présence

Je ne supporte pas l'indifférence

Dans cette horrible déchéance

Quand ton regard croise le mien

Mon destin t'appartient

Ma vie est entre tes mains

Comment sera-t-elle demain?

André Kergoat 

ex- vice-président FA29, ayant consacré 50 ans à la vie associative,dont 20 ans à l'accompagnement de la personne âgée vulnérable et accompagnant Alzheimer dans sa vie privée.

 


08/05/2008
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Que vois-tu, toi qui me soignes?

Que vois-tu, toi qui me soignes,

Que vois-tu?

Quand tu me regardes,

Que penses-tu?                                                    

Une vieille femme grincheuse, un peu folle

Le regard perdu, qui n'y est plus tout à fait,

Qui bave quand elle mange et ne répond jamais,

Qui, quand tu me dis d'une voix forte "essayez"

Semble ne prêter aucune attention à ce que tu fais

Et ne cesse de perdre ses chaussures et ses bas,

Qui docile ou non, te laisses faire à sa guise,

Le bain et les repas pour occuper la longue journée grise

C'est ça que tu penses, c'est ça que tu vois?

Alors, ouvre les yeux, ce n'est pas moi;

Je vais te le dire qui je suis,assise là si tranquille

Me déplaçant à ton ordre,mangeant quand tu veux;

Je suis la dernière de dix, avec un père et une mère,

Des frères et des soeurs qui s'aiment entre eux.

Une jeune fille de 10 ans, des ailes aux pieds.

Rêvant que bientôt, elle rencontrera un fiancé.

Mariée déjà à 20ans.Mon coeur bondit de joie

Au souvenir des voeux que j'ai fait ce jour-là

J'ai 25 ans maintenant et un enfant à moi

Qui a besoin de moi pour lui construire une maison.

Une femme de 30 ans, mon enfant grandit vite.

Nous sommes liés l'un à l'autre par des liens qui dureront.

40 ans bientôt, il ne sera plus là.

Mais mon homme est à mes côtés qui veille sur moi

50 ans à nouveau autour de moi, jouent des bébés.

Me revoilà avec des enfants,moi et mon bien-aimé.

Voici les jours noirs, mon mari meurt.

Je regarde le futur en frémissant de peur,

Car mes enfants sont tous occupés à élever les leurs.

Et je pense aux années et à l'amour que j'ai connu.

Je suis vieille maintenant, et la nature est cruelle.

Qui s'amuse à faire passer la vieillesse pour folle.

Mon corps s'en va,la grâce et la force m'abandonnent,

Et il y a maintenant une pierre, là où jadis j'eus un coeur.

Mais dans cette vieille carcasse, la jeune fille demeure

Dont le vieux coeur se gonfle sans relâche.

Je me souviens des joies, je me souviens des peines,

Et à nouveau, je sens ma vie et j'aime.

Je repense aux années trop courtes et trop vite passées.

Et accepte cette réalité implacable que rien ne peu durer.

Alors ouvre les yeux, toi qui me soigne et regarde

Non pas la vieille femme grincheuse.

Regarde mieux, tu me verras!

Poème d'une vieille dame irlandaise, trouvé en 1984 et  point de départ dans le roman d'Yvon Le Men "Elle était une fois"

 


15/03/2008
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ECOUTER

ECOUTER

Ecouter est peut-être le plus beau cadeau                          

Que nous puissions faire à quelqu'un...

C'est lui dire, non pas avec des mots,

Mais avec ses yeux, son visage, son sourire

Et tout son corps: tu es important pour moi,

Tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là.

 

Ecouter, c'est commencer par se taire.

Ecouter, c'est accueillir l'autre,

Avec reconnaissance, tel qu'il se définit lui-même,

Sans se substituer à lui pour dire qui il doit être.

 

Ecouter, ce n'est pas vouloir que quelqu'un

Soit comme ceci ou comme cela,

C'est apprendre à découvrir ses qualités

Qui sont en lui spécifiques.

 

C'est être ouvert positivement

A toutes les idées, à tous les sujets,

A toutes les expériences,

A toutes les solutions,sans interpréter,

Sans juger, laissant à l'autre son espace

Et le temps de trouver la voie qui est la sienne.

 

Etre attentif à quelqu'un qui souffre,

Ce n'est pas donner une solution

Ou une explication à sa souffrance

C'est lui permettre de la dire et de trouver

Lui-même son propre chemin pour se libérer.

 

Ecouter, c'est donner à l'autre

Ce que l'on ne nous a peut-être jamais donné:

De l'attention, du temps, une présence affectueuse


14/03/2008
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Les larmes de la mémoire

Les larmes de la mémoire

J'aime ces gens étranges.

Des trous de plus en plus profonds se creusent dans leur mémoire.

Des trous qui se remplissent de peurs, présentes, passées,de plaies jamais guéries.

Des trous qui délogent les interdits et les normes,d'où émergent des élans de vérité.

Cette vérité commune à tous quand les masques ont fondu.

Vérité qui aime et déteste sans contrainte.

Vérité nue, crue, intolérable, parfois cruelle.

Vérité qui aime et déteste sans contrainte.

Ce que la raison camoufle,

L'Alzheimer le fait éclater au grand jour.

L'inconscient se lézarde

Les blessures enfouies refont surface.

Les photos flétries reprennent vie,

Comme les rêves révèlent ce que nous taisons.

Le temps passé devient présent. Et le présent n'est que l'instant.

J'aime ces gens étranges. Leur raison déraisonne.

Ils sont les délinquants de la comédie humaine.

Le coeur ne fait pas d'Alzheimer.

Il capte l'émotion et oublie l'évènement.

Saisit l'essentiel et néglige l'accessoire.

Sent la fausseté des gestes et des paroles.

Fuit le pouvoir et réclame la tendresse.

Plus je partage leur vie,

Plus je sens des trous tout aussi profond à l'intérieur de moi.

On les dit confus et pourtant à leur insu,

Ils me reflètent des parts d'obscur et de lumière.

Deviennent mon propre miroir:

Miroirs de mes peines camouflées, de mes désirs,

De mes fantaisies réprimées, de ma liberté aux ailes cassées.

J'aime ces gens étranges.

Ils ont le mal de leur enfance comme on a le mal du pays.

Ils cherchent, cherchent...

Jusqu'au jour où leur silence devient un cri insupportable.

J'aime ces gens étranges.

Comment arriverai-je à vivre sans eux? Comment?...

Marie Gendron

Fondatrice du Baluchon Alzheimer au Québec


11/03/2008
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